dimanche 25 septembre 2022

Les mains.

La main que j' ai tendue est un étau
que s' agit-il de prendre ou de tenir si fort

La main que j' ai tendue est une main nue,
une main pauvre

La main que j' ai tendue est un outil de précision
quelle est cette vérité que je veux mettre au jour

La main que j' ai tendue est une main tendre,
une main brûlée, puis pansée

Quelles sont ces mains mendiantes, terrifiées,
qui tentent d' arracher un peu de nourriture
à la terre 

Quelles sont ces mains, ces millions de mains
qui se dressent dans l' ombre 

et quelles sont ces mains de fer, glabres comme
des épées, qui tranchent les mains tendues
des désespérés

jeudi 22 septembre 2022

Hâte-toi.

Hâte-toi vers l' Espagne, mon ami! 
Tu verras là-bas les fleurs 
- car tu ne les vois plus ici - 
tu verras là-bas les rues 
- ici, tu les arpentes sans les voir - 
et tu verras les visages 
- qui, ici, défilent en ne faisant
qu' effleurer tes rétines.
Tu verras les lèvres des femmes,
tu verras la mer jeter des ancres
vers le ciel, tu verras les fantômes
aux chapeaux noirs brûler sur 
les places, tu verras ton amour 
s' époumoner sur des verres de cristal.
Hâte-toi, mon ami, hâte-toi vers l' Espagne, 
pour recouvrer la vue, pour voir là-bas
ce que tu ne vois plus ici !

dimanche 11 septembre 2022

La Révolution.

Il y a déjà deux ans
que la ville est bouclée.
A l' extérieur, la police, 
l' armée et la milice.
Et puis les drones de
la police, ceux de
l' armée et ceux de
la milice. Du lourd, 
du sérieux,  du méchant.
Deux ans déjà. La Ville
est bouclée.  A l' intérieur, 
les quartiers se battent 
les uns contre les autres.
La Lune est puissante
comme une mâchoire , 
les clowns meurent sur 
des toboggans électriques.

La Lune est un coupe-
gorge qui pleure,
les aveugles découpent 
de la viande à grands coups
de ciseaux en carbone.
Moi je passe mon temps
à écrire des histoires
                     tristes. 
J' ai installé mon
ordinateur dans la cuisine
et je ne m' occupe pas 
de ce qu' il se passe 
dans la rue, les attentats,
les meurtres, la bagarre, 
les incendies, les flammes,
les cris, la guerre entre
quartiers. J' écris, j' écris 
                         encore.

Les bannières des
Fanfares de Cuivre
et d' Argent flottent
à l' Est de la cité, dans 
le quartier de Jozgorod.
Au Sud, les Légionnaires
du Circus Fantôme 
tiennent le haut du pavé. 

Moi, j' écris des histoires
tristes. Je ne m' occupe
pas du reste.

Le quartier de Tintold,
à l' Ouest de la ville, est 
sous la coupe des Majorettes 
Guerrières de Céramique.
Mon quartier, connu
sous le nom de Quartier
du Taxodrome, est, lui,
contrôlé par les 
Mousquetaires
Polyclonés.

J' écris des histoires tristes.
Mes efforts n' ont qu' un
seul but : parvenir à tirer
de mes lecteurs les
plus endurcis, la larme 
sombre, celle qui
scintille au noir du sang
et des masques.

Demain, la police,
l' armée et la milice,
et puis les drones de
la police, les drones de 
l' armée, les drones de
la milice vont donner
l' assaut. Pour une 
fois je jette un coup
d' oeil dans la rue,
tout en bas. Le
fracas est incroyable. 
Et je vois des files
interminables de
guerriers qui montent
aux remparts de la Ville :
Mousquetaires
Polyclonés,
Légionnaires du
Circus Fantôme, 
Majorettes Guerrières
de Céramique et 
Fanfares de Cuivre
et d' Argent, unis.

Alors, je jette mon
ordinateur au sol,
je suis fatigué des
histoires tristes.
C' est la Révolution
que je vais raconter.
En direct.


vendredi 2 septembre 2022

Oú vont les anges ?

Ces vagabonds, avec l' étoffe
des fleurs sur leurs épaules.           
Ils suivent des yeux les anges 
qui passent et qui meurent.
Ces fous, sans malice, qui
chantent derrière l' eau. 
Ils dessinent leurs paupières 
sur les cubes et chavirent 
en riant sous les tables.

Ces quelques heures
passées dans les rouages,
les nuages posés sur des 
chaises rompues, le ciel 
médical au-dessus des 
usines automobiles.
Les enfants ont des bras
immenses pour accueillir 
l' immensité.

Dans les églises, les bénis 
du seigneur, la bedaine
en avant, ont compris 
avant tous les autres que 
rien ne compte.
Mais il y a ces quelques
chiens errants qui se faufilent 
entre leurs jambes. De
petits roquets meurtris
et malveillants.

Les anges meurent quand
ils entrent dans les églises. 
Et avant de mourir ils
vomissent des os de colombe.
Dehors, nous irons dehors,
saisir au collet les fuyards,
nous leur laverons le visage
avec la mer, puis nous les
jetterons du haut des falaises
dans le tumulte de la cire.