dimanche 26 décembre 2021

Les petits indiens.

Nous sommes de petits indiens,
contaminés par les couvertures
offertes par les visages pâles.
Le froid était préférable à la variole.

De la même façon, les vertus de 
l' ennui semblent infiniment supérieures
à celles de l' industrie du divertissement.

De la même façon, une demie-carotte
à la sauce framboise et dix grammes 
de boeuf effiloché sur un lit nain
de chocolat au poivre ne peuvent faire
de concurrence sérieuse à une
bonne assiette de cuisine populaire.

De semblable façon, l'obligation
désespérée d' être heureux, 
en mode surexposition photographique,
ne peut remplacer la quête de soi-même,
la confusion et les tâtonnements
nécessaires à la libération.

Le froid plutôt que la variole,
la nudité plutôt que les couvertures
contaminées.

mardi 14 décembre 2021

Passer commande.

Je voudrais vivre 
quelque chose de léger
et de confortable. Je
ne suis, voyez-vous,
pas fait pour autre 
chose. Il existe des
contrées où la légèreté
est de mise, où le
confort n' a besoin d' être 
ni conquis ni gagné. 
Pourrais-je trouver 
ces lointains rivages 
à ma porte ? Les faire
venir jusqu'à à moi ?
Y a-t-il un Uber pour cela ?
Quelqu' un connaît-il
le numéro d' un livreur ?

jeudi 2 décembre 2021

Paysages.

Dans les livres, il y a des 
paysages et des gens.
Dans les gens, on trouve des
livres et des paysages.
Un jour - que je redoute -
on ne trouvera de 
paysages qu' à l' intérieur 
des livres. Parce qu' ils auront
disparu des gens.
Puis, un jour, les livres
disparaîtront. Et, alors,
les gens seront vides.



Yellow War Submarine.

C' est Anna Roylston 
C' est la Mary Dawson
A Rome, Paris ou Tucson
C' est la guerre
Y' à plus personne

C' est Gala Karminov
Quand elle était Popov
Elle jouait à la marelle
Maintenant elle préfère
Le cocktail Molotov

C' est Lester Bangs
Son âme qui tangue
Son coeur qui dingue
33 ans à son Big Bang
De Rock n' Roll boomerang

C 'est le Yellow submarine
le Yellow war submarine.
la guerre sous mescaline,
même les enfants
ont des yeux d' épines.


dimanche 28 novembre 2021

La ville psychédélique.

Et la ville psychédélique
inventa ses armes.
Un petit homme à la mine sérieuse
transportait l’arsenal
dans son attaché case.
Les parisiens et banlieusards
le prenaient pour un gentil architecte,
un technicien de leur bien-être.
Il bâtirait des tours lumineuses 
et confortables, il installerait 
des espaces verts et des balançoires
pneumatiques pour les enfants.
Mais le petit homme
transportait les armes
psychédéliques de la Cité : 
drogues, métal, billets de banque,
violence du déplacement, indifférence
du rire, ankylose de l’espace des bras.

Get it on, get it on,
take rock n’ roll in your arms,
je voulais être heureux, 
j’avais décidé d’habiter une
voiture chromée, une Corvette,
une voiture américaine.
Je vis passer un soir
le petit homme à la mine sérieuse,
son attaché case infernal à la main,
et je l’écrasais comme un cafard malfaisant
au fond d’une ruelle sombre.
Son sang jaillit par tous
les pores de sa peau.
Mais ce n’était pas du sang !
le petit homme était empli de nausée,
empli de la salive brûlante du choléra.

L' Âme son.

Elle me demande pourquoi
je cherche des sons,
je cherche des rimes
et pourquoi je passe pas
à la télévision.

Elle me dit qu’elle saisira
un jour mon âme son
et qu’elle la broiera
contre le mur 
de ses questions.

Elle me demande si je l' aime,
si l' une des chansons
que j' écris parle d' elle,
si je peux abandonner 
ma guitare électrique
pour les violons.

Non.

Poème de Cour.

La Cour toise,
la Baronne est haut typée, 
le Roi, roide et crade.
Il pleut à verses, aïe !
Des regards débordent
de leurs caniveaux 
pour détester
la nouvelle préférée.

De blêmes emblêmes
jonchent les cours
et la Cour infuse
ses courtes tisanes
au teint chromatique,
belles plantes à genets,
à genoux sans bijoux,
sans foutus fichus,
nues, l’eusses-tu cru ?,
sauf à avoir subi
les effets d’une belle cuite.

Et ces poteries de terre,
pommes de verre,
qui parsèment les jardins
du château brillant
sous les feux du trois soleils ?
Sont-ce des argiles
des terres de Vénitie,
ou de Vidie ou de Vicie ?

mardi 23 novembre 2021

Minuit sur nous.

Il était une deuxième et
une troisième nuit.
Et des cloches qui sonnaient
à toute volée.
Animaux et plantes avaient
compris le message,
eaux et airs se déplaçaient
dans le tumulte des ignorances
froides.
Nous n' avions rien en main,
nos armes et notre lucidité
étaient tombées à genoux devant
la débâcle des glaces polaires.
Assourdissant, le vacarme !
Les tocsins, allumés comme des
sangs étincelants, aidaient 
les industriels à vendre 
des céréales et des biscuits. 
Nous avions choisi d' éteindre
les lumières de nos rues à
vingt heures trente et laissé
penser à nos enfants
que ramasser les mégots 
sur les trottoirs suffirait à
sauver la planète.
Il y avait des oiseaux sur les 
emballages des yaourts, 
dans les supermarchés.
Nos regards se mouraient
entre tempête et fracas.





dimanche 21 novembre 2021

Une journée comme un téléviseur.

Je me suis réveillé ce matin
avec une tête de téléviseur.
Sur l' oreiller se dessinait une
trace rectangulaire, chaude, 
comme si j' avais passé la nuit à
regarder de vieux films policiers
ou des dessins animés gore. 

J' entendais des voix.
C' était presque agréable. Elles 
susurraient dans ma tête, 
ça ne m' a pas inquiété au début. 
Ça faisait de la compagnie, 
du divertissement. 
Mais, ensuite, oh . ... ! 

J' ai passé une journée en enfer.
Tu sais de quoi est fait l' enfer ?
Il est tapissé de spots publicitaires,
de musiques éreintées,

et de gens qui parlent, parlent,
qui parlent, polluent, parlent,
polluent, parlent et polluent encore, 
de cette parole appointée qui les
amènent à parler de tout et à
n' approfondir rien, à tout effleurer
sur le tombeau de notre réflexion.
Pour mieux nous la dérober.



dimanche 14 novembre 2021

Dormir.

Dormir est le problème. 
Dormir sur soi-même, 
dormir sur les autres,
s' envelopper et dormir. 
Le long drap est blanc,
la nuit s' habille de
vaisseaux et de loupes
mystérieuses. Oh, mes
paupières d' arsenic !
mes paupières de rideau
noir.
Je devine dans les ombres
qui s' allongent, un
silence de parchemin 
évidé. Dormir,
dormir est le problème.

lundi 25 octobre 2021

Le singe blanc.

Le singe blanc muré dans la vitesse
de l' archet de son violoncelle,
sur les façades les flonflons écrasés. 
Un sémaphore est passé au noir
et toutes les voitures sont tombées
dans le fleuve. Je marche dans la rue,
en rêvant. Les gens que je croise,
je croise le fer. Y a-t-il une ancre dans
la mer, dans la mer qui hurle sous
les passerelles, je crois que le sang 
sur les vagues est celui du singe blanc.



 

samedi 16 octobre 2021

Distance.

Il y a tant de distance entre nous,
entre la maladie et la guérison,
entre la rose et l' épine, 
entre le sel et la vague.
Tout qui s' approche de nous
est susceptible de prendre feu.
Il y a tant de toi qui s' approche 
de moi, il y a tant de ta robe au sol, 
tant de tes bras, tant de tes lèvres,
je prends feu comme un soleil
qui a tant voyagé, de nuit en nuit,
d'étoile en étoile, d'ici en ailleurs,
toujours.









Lupus.




Au mercure bouillonnant
la Lune désirante,
Lupus est mon ami
le chef de file des bandits
 
Avec des bottes en caïman
et un cœur aspergé de platine
je m’endors à quelques encablures
de la mer, mon cœur attaché à
une vague par une toile d’araignée
 
Lupus est mon ami
le chef de file des bandits
 
Dans l’aube comme dans le sel
on entend la voix d’une tortue minuscule
qui chante qu’il est temps
qu’ il est tentant de se
réfugier sous un parapluie de diamant
 
Lupus est mon ami
le chef de file des bandits
 
Mais vois-tu fredonne
la surface de l’océan
vois-tu où nous en sommes
arrivés à cause de ce maudit orage
orage de l’homme blanc
 
Au mercure bouillonnant
la Lune désirante,
Lupus est mon ami
le chef de file des bandits

samedi 18 septembre 2021

La mesure.

La Terre est plus vieille que vous,
votre écorce est fraîche et tendre,
mais pas la sienne.
Elle est la mesure dont vous avez
tiré le balbutiement de la vôtre,
vous voulez la posséder, mais c' est
elle qui vous fait,
vous croyez la connaître, mais c' est
elle qui vous a imaginé. 
La Terre est plus vieille que vous, 
c' est elle qui a la seule mesure.

vendredi 10 septembre 2021

Comme ça.

J' avance, la fleur continue
je parle, l' arbre continue,
je peuple le vide de mes paroles,
la grenouille et le merle continuent,
je m' agenouille, la couleuvre continue,
je m' effondre en larmes, je prie
et bat ma coulpe, le coquelicot
et le chèvrefeuille continuent.


samedi 28 août 2021

Le rêveur.

Je rêve de rêver à de rares paysages, 
à des brûlures de paysages, au
chant des paysages mûrs. Mes yeux
rêvent sur l' échine antique des montagnes,
au-dessus des champs de pins, au-dessus 
des roches, sous l' azur solitaire des aigles,
tout là-haut. 
Mes yeux, solitaires comme mon coeur. 
Mon coeur rêve de cette chance penchée 
aux vents! Quel rêveur que celui-là, 
qui peut se mouvoir librement parmi
ses rêves ! Quel rêveur, quelle chance !
Quel rêveur que celui-là, qui peut 
rêver sans effort !







samedi 10 juillet 2021

La forme.

Où est la forme ? Tracée, arrachée ?
Au coeur de l' arbre, aux pétales 
difformes de la pierre et de l' encre, 
aux fleurs noires de la symphonie.

J' invente la forme,
j' ai la sensation qu' elle me cherche
mais ne me trouve pas. 
Je suis à deux pas d' elle, 
à deux doigts de moi, et la forme
ne me trouve pas.

La forme danse autour de moi,
insaisissable, elle m' effleure et
me transperce. Je suis la forme
qui me cherche.

mercredi 7 juillet 2021

Je prie.

Moi qui ne croit en aucun dieu,
qui jamais plus ne mettrait
le pied dans une église,
moi qui ne peut ni ne veut
respecter quelque prêtre que ce soit, 
moi je prie. Je prie pour vous,
je prie comme un forcené,
je prie comme vous vivez.
Je ne sais pas à qui j' adresse
mes prières, et je ne sais où elles 
aboutissent. Peu importe.
Je prie comme souffle le vent, 
comme tombe la neige,
comme il pleut et brûle,
comme la tempête passe sur
les maisons et les arbres, je prie
comme tu me souris de l' autre
bout de la pièce. Je prie
sans savoir pourquoi.

mardi 22 juin 2021

Le mouvement de la Lune.

La Lune a six doigts.
Elle est borgne. 
La Lune est une potence,
certains soirs elle claque
comme une guillotine.
J' aime l' écouter
crépiter sur le bûcher.

La Lune est une danseuse 
de flamenco, un verre
de Jerez. La Lune est
un talon sur le plancher 
des étoiles. La Lune est
une grotte maléfique.
J' aime la regarder
se tordre dans la nuit.

Sans la Lune, le mouvement
n' existerait nulle part.

L' escrime.

Quand les crocodiles ne mordent pas,
ils pleurent.
Quand le singe fait la grimace,
il devient malin comme un clown.

Cherche, cherche un peu d' où
provient ce parfum étrange...

Quand les éléphants ne sont pas vieux,
leur mémoire peut encore les trahir. 
Si le soleil ne brille pas, c' est
que ses rayons sont ailleurs.

Cherche, cherche un peu d' où
provient cet étrange parfum ...

La recette des oeufs à la coquelicot
n' a pas encore été inventée.
Le lendemain n' est pas un jour
comme les autres.

Cherche, cherche un peu d' où
provient ce parfum étrange...

L' écriture est un sport comme les autres,
la poésie c' est comme l' escrime.
Quand je m' escrime à vivre, quand
je m' escrime à vivre.

Cherche, cherche un peu d' où
provient cet étrange parfum ...









samedi 19 juin 2021

Les temps barbares.

 

Nous sommes des guerriers de papier,
nous regardons  la nuit effondrer 
patiemment son toit
sur les creux blanchis des trottoirs,
sur la tristesse des fous.
Oh, les gouffres qui nous sortent des yeux !
 
Partout, le soleil aveuglant des temps barbares
a traqué les poètes.
Eux, qui étaient peuple, qui riaient aussi fort
qu' ils chantaient la folie des fleurs et de la houle,
qui escaladaient les villes et les pays
en se frappant la poitrine
avec l'aube toute entière,
ont vu leurs mains se rétrécir aux dimensions
d'un pauvre pétale de narcisse frais.
 
Nous restons seuls, endeuillés
de la beauté et du rêve, vêtus de riens
et de peut-êtres.
 
Les chasseurs sont après nous, poignards en plein jour,
bras levés afin de frapper le plus vite possible.
Nous filons dans les labyrinthes bleus de l'histoire,
à la recherche de la force et de la sève
de nos illustres prédécesseurs.
 
Et nous les trouvons. Ils sont là, debout 
dans l'ombre, affairés à mener 
à bien quelque tâche
dont ils ont décidé de se charger,
malgré le soleil étincelant de la mort
et l'ange épineux qui hurle sur leur front.
Pablo, Federico et Rafael sont là.
Robert, Louis, Paul et René aussi.
Walt et d'autres encore. Ils sont droits 
comme des i, ils travaillent encore, 
ils travaillent toujours, acharnés 
à désosser le cadavre mauve du 
quotidien.
 
Ils ont regardé le monde comme toi,
et puis leur coeur a écrit l'histoire 
de ce monde, avec des mots simples 
et de simples larmes.
Ils ont regardé le monde
et ils ont vu la femme,
et leur amour a chanté nuit et jour 
pour elle, pour ses yeux et son corps,
pour sa voix de mère et son chant d'amante,
pour la force infinie qui lui permet de
maîtriser vagues et marées, montagnes,
déchirures et embrasements.
Les poètes ont aimé et rien, aucun brasier
n'a dégagé de chaleur plus puissante
que celle-là, de lumière plus ardente.
Ce soir, là dans l'ombre, près de moi et
de mon âme fatiguée, là, vibre ce monde
qu'ils ont vu et reconnu comme le leur,
entièrement leur, jungle autant que
cathédrale humaine, désert de cendres
et de pierres résonnantes,
monde vivant.
 
Nous, tièdes amants, pauvres silhouettes
vibratoires enchaînées à des litanies 
de chèvre et de corde,
nous devons, pour avoir une chance 
d'apercevoir la vérité, tourner la tête 
et regarder par-dessus notre épaule.
Eux prenaient le monde de face et voyait tout,
tout jusqu' à l'horizon, en un seul mouvement.
Aucun détail ne leur échappait, pas 
une once de vérité ne s’effaçait sur le carreau étranglé de leur vision.
Ils étaient présents et la vérité nue,
crue et éblouissante du présent était leur vin,
la floraison de leur coeur, la libération impitoyable
de leur saison d' homme. Ils étaient forts
comme des volcans d' automne, 
comme des torrents de liane et d'olives.
Des mélodies toutes fraîches descendaient
à la croisée des chemins pour pressentir
la mort, son odeur, son feu. Eux avançaient
en cueillant des arbres et des tambours,
en crevant le silence des orchidées et du soleil
impossible, et, sur le chemin, les bêtes fabuleuses
qui peuplent notre égarement
s'inclinaient devant leur royale démarche.

Nous sommes.

Ce que nous sommes, rien d' autre n' a d' importance.
Laisse les fleurs, les néons et les blessures de côté,
regarde-toi au feu de ta glace et des miroirs déformants,
puis regarde en toi, le vertige et la patience,
puis regarde autour de toi, le venin et la grâce.

lundi 7 juin 2021

Paradis.

Ah, le paradis des crocodiles !
C' est l' endroit où leur coeur
peut couler, comme des
fondants au chocolat. Mais il y a
mieux que le paradis des crocodiles !
C' est le paradis des dromadaires, 
une caravane de pluie sous 
l' oeil paresseux des frontières. 
Mais il y a mieux, encore mieux 
que le paradis des dromadaires et
celui des crocodiles ! Et c' est
le paradis des enfants, une
demeure fantastique où 
l' horizon fait toits et murs,
où le temps est passe-muraille,
un palais bâti d' un clin d'oeil,
d' un seul matériau, entre
toile et vents ...





samedi 5 juin 2021

Le Monde existe.

Le Monde existe, 
n' en doutez pas.
Il ne faut pas croire
ce que les fantômes
en disent, les spectres
n' ont d' autre assurance
que celle de leur propre 
misère. Le Monde est 
là, bien solide, tissé
de chair et de muscle,
de baisers et de larmes.
Le sel des océans et
les oiseaux existent, toi,
tu existes. Les fantômes
affirment que le monde
n' est que vision et scories,
buée du souvenir.
Ils mentent, bien sûr. 
Mes mains existent, elles 
existent parce qu'elles
caressent ta peau ,
ta peau existe, elle
existe parce que
mes mains la caressent.
Le Monde existe
bel et bien, n' en
doutez pas. N' écoutez
pas ces pauvres fantômes,
éperdus et tremblants,
qui voudraient vivre,
vivre à nouveau.

samedi 22 mai 2021

Trop grand.

Le monde me fait pleurer,
il est grand, trop grand, jamais 
mon coeur ne pourra l' enlacer 
tout entier. Je n' en veux pas
un petit bout, une miette,
je le veux tout, pour le graver
dans ma mémoire avant
de l' éloigner de ma bouche
pour toujours. Je veux en
parcourir tous les chemins,
des montagnes qui naissent
en grognant sous la neige
jusqu' à l' eau sans âge
des champs sauvages, des
bidonvilles des quartiers de l' Est 
jusqu' au paradis truqué des 
villes hautes. Le monde,
je veux faire la connaissance 
de chacun de ses habitants,
serrer la main de tous les
hommes, embrasser toutes
les femmes, inventer un sourire 
à chaque enfant - enfin, être présent 
comme un frère de poussière,
de liane et de sang. Et puis ...
manger le monde, le boire,
le dormir comme je m' éveille,
l' engloutir du regard et de
la main, me retrouver, nu,
dans sa rue principale,
à mendier comme un
nouveau-né vieux de
quelques siècles de misère 
et de frayeur, jeune de la 
splendeur de la pluie 
sur ses bottes jaunes.


lundi 17 mai 2021

Pour toi.

Pour toi, mon bel Ange,
c' est pour toi que je suis 
arrivé jusqu' ici.
Pour toi, ma toute belle,
pour ces quelques mots
à te fêter, à t' inventer.
Pour toi, je suis venu,
pour toi, pour voir ton
beau visage s' éclairer,
au matin, pour cette 
douceur de l' aube,
pour sa lumière au soir, 
quand la nuit s' annonce 
et se donne, pour toi, 
mon Ange. 


vendredi 14 mai 2021

Encore ton rire.

Au milieu de cent mille autres,
quand la foule pousse son cri,
et que le murmure se fait nuit,
je le reconnaîtrais 

ton rire

Il est fait, il est nourri,
il regorge de ta gorge,
il ne s' essouffle pas,
il vole, comme une caille,
il souffle et s' envole,
il vient vers moi

et je le cueille,
ton rire.

mercredi 12 mai 2021

La poésie d' écailles.

Comme la poésie se tord en tous sens,
c' est un serpent ailé qui se bat au milieu
d' un désert sans air, c' est un cri d' écailles
qui lutte pour ne pas disparaître dans 
la nuit profondément molle. Comme 
comme la poésie est belle et sauvage - 
c' est tout ce qu' il nous reste de 
notre Liberté. 




lundi 10 mai 2021

Lever les yeux.

Lever les yeux, danser sur un cheveu,
par dessus les murs et les antennes,
par dessus les frontières, 
lever les yeux jusqu' à nos mains, 
jusqu' à hier, jusqu' à maintenant 
et demain.
Lever les yeux, encore et encore,
sans arrêter, sans se reposer, danser
sur un cheveu et dormir, mais peu.

vendredi 30 avril 2021

Le bruit.

Le bruit me brûle et me blesse
d' une langueur monotone,
pareille à celle que le poète a
répandu sur ses amours d'automne.

J' ai besoin d' une musique silencieuse,
d' un tapis de fleurs et de feuilles
qui amortisse le délire contemporain,
un délire hanté par le poids du deuil.

Pourrais-tu jouer pour moi, femme,
de cette harpe si douce qui égrène la nuit,
qui rend ma douleur presque douce, qui ôte 
à mon coeur son costume bleu de suie.

lundi 26 avril 2021

Six cordes

Quand je joue les six cordes,
les six cordes jouent avec moi,
un de leur prétexte, c' est moi.
Je ne suis que leur jouet.

Les six cordes jouent avec mes doigts
et avec mon coeur, et aussi entre
mes doigts, avec mon coeur d' acier
et de nylon.

Sonnez, sonnez cordes, sonnez
plus loin que moi, plus loin que
mon coeur et mes doigts, sonnez,
malgré mes doigts, tout près 
                                       de mon coeur !

vendredi 9 avril 2021

Le spectacle.

Où sont le cirque, les couteaux 
                           et les serpents ?
Et le chapiteau, la piste centrale ?
Où sont les vrais clowns, les vrais artistes, 
les humains ? Sur les plateaux télé ?
En live streaming ? Laissons là
une économie de coquilles vides,
de succédanés et de clones 
prêts à vendre leur âme pour qu' on
les trouve convaincants. La culture 
est ailleurs. Là. Ailleurs. Mais 
il faut aller la chercher.


samedi 3 avril 2021

Mauvais rêve.

J' ai rêvé de la manière dont
va finir cette triste aventure ... 
le velours pourpre des forteresses
balayant la nuit, sur les toits 
en silence, les villes détrempées, 
des quartiers découpés
comme des oranges amères,
de vastes espaces clos, des
limousines grises avec un ciel 
comme un cloud, et puis
la fourrure sauvage du luxe 
et du mépris, et puis du sang, 
du sang, encore du sang, mais
pas de celui dont on a envie de
contempler les blessures,
du sang qui crie, qui hurle,
qui rouille, qui se défenestre,
qui jure, qui bave, qui éclate,
un monde bourdonnant sans cesse,
privé de race, de sexe et
de désir, et des animaux qui
courent mais qui ne sont pas
nés en liberté. J' ai rêvé, et
j' espère avoir rêvé mal. Quelquefois
il arrive que les rêves ne se 
réalisent pas, n' est-ce pas ?

samedi 27 mars 2021

A mon cou.

Je te jette à mon cou.

Comme un amour,
un courage,
comme un secours.

Je te jette à mon cou.

Comme une blessure, 
une colombe obscure,
un chagrin
qui ne peut se taire.

Je te jette à mon cou.

Comme un soleil,
comme une tempête,
ce qu' il reste du ciel.


Attention.

Attention à l' arrachement,
à la tripe, aux vautours dorés
qui dansent et s'étourdissent
en coagulant dans l' air. Attention 
à la beauté crucifiée, au sel qui gémit
à l' intérieur des perles.

J'ai l'esprit concave. Attention aux
ballons de baudruche gonflés
au souffle de la mélancolie, attention
aux faux pas, en équilibre sur les rambardes.

D'être tombé et relevé mille fois,
ne me donne pas le droit de rester
agenouillé. Allons, debout ! Attention
à l' immobilité des masques,
à la lenteur du poison dans
les veines parlantes des statues.



mardi 23 mars 2021

A moi.

A moi la fleur de l' aube
écrasée entre deux doigts de scotch,
à moi le tocsin qu' a sonné ton départ,
et la blancheur de la nuit de ton retour,

c' est à toi que touche mon amour,
et tout tout ce qui touche a ton velours.

A moi le dernier train,
à moi le parfum de ta peau
dans le désordre du désir, 
à moi le dernier orchestre,
c' est à la fin du bal qu' on paye
les musiciens.

C' est à toi que touche mon amour
et tout tout ce qui touche a ton velours.
A moi tes onze langues aux beaux atours.